Romain est né artiste mais son ange sur ses lèvres a posé l’index de l’oubli pour taire son destin, l’obligeant à se mettre en route à tâtons.
Petit enfant, ses mains reconnaissent la joie ivre de créer à partir de la matière ou de produire des sons grâce à un instrument. Dessin, argile, musique, la beauté s’invite dans son monde favorisée par un père qui l’initie à la peinture, et une mère qui l’accompagne avec passion durant ses années d’études musicales. Sa créativité est animée d’une rare persévérance pour son âge, faculté qu’il met au profit de l’étude du violoncelle.
L’esprit du bois danse autour de lui, si proche, tellement proche qu’il restera aveugle à l’évidence jusqu’à ce que la vie le conduise à ne plus détourner le regard des desseins de son âme.
Un grand-père charpentier compagnon du devoir lui assure une transmission rigoureuse intimement associée à l’insouciance des vacances en famille. Les heures précieuses dans l’atelier de l’aïeul font vibrer son ADN aussi sûrement que le violoncelle serré tout contre son corps grave une présence indélébile dans le berceau de ses bras.
Les années d’études s’enchaînent, et le besoin de découvrir de nouveaux horizons grandit. Il parvient à organiser un partenariat avec la faculté d’ingénierie en Uruguay. Il est temps de rouler sa bosse loin des siens. Romain met l’Amérique Latine sous les roues de son vélo, une autre de ses passions.
De retour en France, son diplôme d’ingénieur en poche, il part s’installer dans la ville rose et débute une carrière de cadre. La vie, espiègle, glisse dans son jeu une reine lors d’une invitation impromptue d’amis communs. Une sortie en VTT qui se prolongera jusqu’à lui ouvrir le cœur de la paternité. L’heure est grave et merveilleuse. Devenir père remue, questionne sa propre liberté à devenir un homme : que choisir de transmettre ?
Une série d’événements faite de bosses, ravins et vagues le bouscule jusqu’à la chute et le hisse ailleurs, la vivance à fleur de peau. La grande horloge du temps sonne l’heure du changement.
Le courage en bandoulière, Romain quitte le moule oppressant d’une carrière de manager et affronte le vide. Il s’enfonce, au propre comme au figuré, au fond de la forêt sans fond d’où il ressortira grandi, les bras chargés de branches de châtaignier étrangement humaines.
La suite, ce sont des heures longues d’apprentissage, de dépouillement et d’envol, le quotidien de l’artiste qui assume bien plus fort qu’il ne doute. Son art s’extirpe du végétal, ses mains se font architectes de l’équilibre, l’artiste et le bois mêlent leur souffle de vie et de mort, paradoxe de notre condition humaine dont le bronze se fait l’immortel messager.